Traité sur les doigtés
« Jouer avec doigté, deux mains, dix doigts… mais tellement plus »
Avec la collaboration de Philippe Barraud
Paru en octobre 2001 chez Aléas.
Pourquoi avoir rédigé un ouvrage sur les doigtés ?
« Ce travail me hantait depuis longtemps. J’ai beaucoup appris d'Yves Nat. Lui-même pratiquait des doigtés plus conformes à sa morphologie ayant une main et des doigts très épais. J’ai cherché en vain parmi tous les écrits sur le piano ou les différentes méthodes et j'ai pu constater que rares sont les pédagogues qui se sont penchés sur ce problème si important.
Les étudiants mettent généralement des doigtés hasardeux qui leur paraissent naturels même s'ils ne sont généralement pas les plus simples. Ils ne pensent pas aux conséquences de ces doigtés sur le phrasé. Leurs partitions sont vierges de tout doigté. La conséquence en est que l'on joue de moins en moins légato car les positions sont inadaptées. On compense un mauvais légato avec une pédale mal employée pour corriger des erreurs de doigtés.
Ce traité a pour objet de présenter, au travers de nombreuses exemples musicaux, le profit que l'on tire à trouver le meilleur doigté qui tienne compte du tempo, du phrasé, de la respiration et des accentuations. »
Propos recueillis par Stéphane Friédérich, pour La Lettre du Musicien 2001
Ce traité est dédié à la mémoire de votre maître Yves Nat. Quel a été son rôle dans l’évolution de votre réflexion sur les doigtés ?
« Yves Nat avait une main très épaisse – qui ne passait pas entre les touches noires ! – ce qui l’obligeait à adopter des doigtés tout à fait personnels. « Du doigté dépend le plus souvent l'exécution parfaite d'un trait ou d'un passage. Le plus souvent ? TOUJOURS ! » écrit Yves Nat dans ses carnets. Le doigté était à ses yeux la "Pierre de touche de la technique pianistique".
C’est de lui que m'est venue très vite cette nécessité de la recherche du bon doigté. Parfois je montre à mes élèves mes partitions : elles sont couvertes de doigtés ! Je regarde les leurs : rien ! »
Et vous n'hésitez pas à briser le tabou de l'interdiction du pouce sur les touches noires !
« On a longtemps considéré comme une hérésie l'utilisation du pouce sur une touche noire. Quelle jouissance pourtant qu'un pouce dans cette situation ! De plus, ce choix offre une grande sûreté dans les déplacements. Combien de pianistes s'ennuient à chercher une note avec un bout de 5e doigt, alors que le pouce offre une solution tellement plus simple et plus sûre ! »
Propos recueillis par Alain Cochard pour la revue Pianiste n° 12
Au fil des pages, l'accent est mis sur la spécificité de chaque doigt dont voici, esquissé, un aperçu :
« Le pouce contribue au legato dans les octaves, donne du moelleux sur les touches noires, rend l'attaque expressive, donne un équilibre rythmique sur des passages parallèles et stabilise les passages en triolets si on les joue sur les temps.
Les deuxièmes et troisièmes doigts permettent le mieux de chanter et de modeler une phrase. Le 4e est le "parent pauvre" de la main, pour l'éviter, on passe souvent du 3 au 5. Quant au 5e doigt, il gagne en force si on sait s'en servir avec les doigts rapprochés. D'autre part, sa surface ne permet pas de le jouer aisément avec une belle sonorité si on s'en sert sur la pointe. »
Extrait de la revue Piano n°16
Interview de Jacques Nouvier, RCF, la radio dans l’âme
« Yves Nat avait des doigtés très extraordinaires, il avait une très grosse main alors il avait du mal ! Ça m’a donné l’idée depuis ce moment.
On n’est pas obligé de suivre les doigtés des éditeurs qui ne sont pas pianistes. Le pouce est le doigt le plus long qui va jusqu’au poignet !
Tout le monde ne le sait pas ! »
Commentaires d’élèves de Jean :
« Jean fut le premier véritable professeur à m’avoir appris à choisir intelligemment les doigtés en fonction du phrasé, de la courbe mélodique et de l’écriture musicale. »
Joào Costa Ferreira
« Bruno Bottet, l'un des élèves de Jean, était très impressionné par l'importance que son enseignant portait aux doigtés. Il fut témoin de quelques séances de travail et n'en revenait pas qu'il pût tenir un crayon dans les doigts pendant qu'il déchiffrait une partition particulièrement virtuose de Liszt pour y noter un doigté. »
Jean Pierre Chailloux
« Pour nous aider à résoudre nos difficultés techniques une de ses marottes étaient les doigtés. On passait souvent de longs moments à tester différents doigtés. D'un cours à l'autre il nous faisait souvent changer de doigtés. »
Luc Refabert
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