Biographie de Jean Martin
1953-2020
Dès l’âge de 23 ans, Jean Martin donne des récitals, en France d’abord, puis en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse en Yougoslavie, en Suède…
« Partout où on pouvait aller à pied ou en train… jamais l’avion… j’ai tout simplement peur ! » confiera-t-il lors d’un interview. Quelque trois ans plus tard, en 1953, il est soliste de l’orchestre symphonique de Grenoble, il se produit avec l’orchestre philharmonique de Lyon pour jouer les concertos de Bach et de Mozart et il participe aux Jeunesses musicales de Lyon, d’Aix en Provence, d’Algérie.
« Le programme que présentait hier le pianiste Jean Martin était une large fresque… il fallait à Jean Martin une grande souplesse et une intelligence raffinée pour passer sans heurts de l’un à l’autre. Jean Martin heureusement possède ces qualités. Sa légèreté dans les sonates de Scarlatti, sa manière très pure de jouer la Partita de Bach ne l’ont pas gêné dans les harmonies recherchées des Reflets dans l’eau, ni dans les Visions fugitives de Prokofiev, tout était solidement construit, détaillé. S’il fallait dire notre préférence, nous l’accorderions avec Scarlatti, à cette délicieuse Sonate en ré de Mozart. Toutes les sonates de Mozart sont des pierres de touche pour un pianiste - Jean Martin y excelle sans aucun doute. »
21 février 1953 Le Dauphiné libéré, Paul Pittion
« Jean Martin chante avec amour la Romance de Mendelssohn, il chante Bach, il chante le Concerto de Mozart, et c’est exquis. Son toucher léger brode délicatement les traits sans jamais les alourdir. Jean Martin a ce qu’il faut pour réussir, on peut miser pleinement sur lui. »
Avec l’orchestre symphonique de Lyon - 5 mars 1953, Robert de Fragny
La carrière de récitaliste de Jean s’étale sur plus de soixante ans. Au cours de cette longue période, son répertoire a évolué, sans pour autant changer du tout au tout.
Les œuvres modernes et même contemporaines étaient davantage représentées lors de la première partie de sa vie de récitaliste.
Par la suite, son répertoire s’est concentré sur les périodes classiques, romantiques et le début du XXe siècle. Nous ne disposons pas de tous les programmes de ses concerts. Pour en témoigner, nous avons des enregistrements vidéo d’œuvres non annoncées dans des programmes et qui montrent l’étendue réelle et originale du répertoire de Jean : Jolivet, Dukas, Boucourechliev, Stravinsky, Bartok, Prokofiev...
Parallèlement à ses enregistrements discographiques, il incluait dans ses récitals des morceaux issus de ses disques les plus originaux, parfois il en faisait la partie principale de son concert, parfois il les distillait dans un récital varié.
Ses découvertes d’œuvres hors des sentiers battus (Godard, Heller, Kirchner, Reger, quelques auteurs de Mazurkas quasi inconnus) étaient plutôt réservées aux enregistrements que les maisons de disques acceptaient avec grand plaisir.
Quelques années plus tard, d’autres critiques :
« Jean Martin vient de donner salle Molière un récital de piano regroupant quatre des plus grands noms ayant illustré la littérature de cet instrument : Mozart, Chopin, Schumann et Brahms.
La soirée nous est apparue comme une constante montée vers une symbiose de plus en plus réussie entre l'artiste, son instrument et la musique… la seconde partie du concert faisait voler en éclats nos réticences avec les conséquents Intermezzi Op. 4 de Schumann. Voilà une partition que Jean Martin possède jusqu'au fond de l'âme et dont il nous restitua avec sensibilité, sincérité et simplicité les discrètes beautés. Le même esprit imprégnait l'œuvre suivante : les Fantaisies de l'opus 116 de Brahms, pages tour à tour méditatives et enflammées. En pleine communion avec la quintessence de ces pages, Jean Martin nous en donna une vision touchée par la grâce. » Gérard Corneloup 1982
« Il suffisait de voir la démarche modeste de Jean Martin, son rapport totalement naturel avec l’instrument dès la Sonate en la majeur de Haydn pour comprendre qu’un grand moment de piano, de musique et de poésie surtout, nous attendait. Depuis ces Schumann inoubliables gravés il y a une vingtaine d’années et enfin réédités, le jeu de Jean Martin n'a pas pris l'ombre d'une ride. Haydn pétillait de vie et de tendresse. Comme celle d'Yves Nat, cette "patte" de maître subjugue par l'économie du geste, la maîtrise de la couleur et de la dynamique. Que de simplicité aussi dans les préludes de Heller - un compositeur que le pianiste français s’attache à faire redécouvrir : chaque miniature du 1er Cahier de l’opus 150 était un univers en soi, pensé, maîtrisé et pourtant si libre. Comme le Prélude, Choral et Fugue de Frank, majestueux, construit, jamais monumental pourtant car une sonorité pleine de sève rend la musique proche, familière.
Avec les Études d'après Paganini Op. 10 et les Nachtstücke Op. 23, Schumann occupait la seconde partie du récital : un idéal de perfection sous les doigts de Jean Martin. »
18 décembre 1992, Salle Gaveau, Paris, Alain Cochard, La Lettre du musicien
Il participe à différents festivals : ceux de Split, Dubrovnik, Aix-en-Provence, Fréjus, Sceaux, et plus tard en 1993, à celui de La Roque-d’Anthéron.
La musique de chambre prend très tôt une place importante dans la carrière de Jean Martin.
Déjà depuis 1953 il joue avec l’excellente violoniste Flora Elphège, également professeure au conservatoire de Grenoble.
« Triomphe de la Sonate avec Flora Elphège et Jean Martin. Leur technique est sans défaut, leur connaissance intime de l’œuvre sans omission, et il y a chez eux cette sonorité ample et belle que nous avons admirée au cours de leur différents récitals donnés à Grenoble. »
21 novembre 1953, Triolet
Ils se produisent en concert jusqu’à la formation du Trio Delta que Jean Martin fonde en 1972 avec le violoncelliste Claude Burgos.
Claude se souvient : « Il existait une complicité et une entente musicale parfaites entre eux deux, ils n’avaient pas besoin de parler avant de jouer, et quand je les ai rejoints nous avons pu trouver ensemble une grande connivence. Nous jouions les weekends pour le plaisir de jouer ! »
Ils jouent en Europe, participent à l’Académie d’été de musique de chambre de Villeneuve-sur-Lot, enregistrent un disque consacré à Edouard Lalo et organisent des stages de musique de chambre.
D’autres concerts donnent l’occasion d’écouter Jean avec les violoncellistes Paul Boufil et Thomas Sprauel mais il joue aussi avec le clarinettiste Max Coste, le corniste Michel Garcin-Marrou ou le flutiste André Guilbert. En trio, il joue également avec André Lévy et Serge Tennenbaum et fait une tournée de concerts avec le violoniste Léon Zighera.
Très jeune, Jean Martin se passionne pour la pédagogie et il ne cessera jamais d’enseigner depuis ses 26 ans jusqu’à sa dernière master class chez lui à Paris rue Ballu à l’âge de 92 ans.
En 1953, très tôt après l'obtention de ses prix, Jean Martin est nommé au Conservatoire national de musique de région de Grenoble, où il enseigne durant sept ans. Il enchaînera ensuite les postes à Créteil pendant onze années, au CNM de Saint-Quentin pendant onze ans aussi, au CNR de Bobigny en 1974, à Lyon en 1981 et en 1991 au CNR de Versailles jusqu’en 1996. Il a 70 ans.
Il fera une pause de trois ans entre le CNR de Grenoble et celui de Créteil pour se consacrer à son travail personnel auprès de maitres et préparer une série de concerts. Il assiste deux années de suite au cours de perfectionnement de piano de Guido Agosti à l’Académie musicale Chigiana de Sienne dont il dira au micro de Jacques Nouvier : « Un pianiste extraordinaire, un homme fin, intelligent, très savant, il connaissait la poésie et tellement de choses. » Jean travaillera aussi auprès de Pierre Kostanov et de Louis Hiltbrand.
Ses observations à l’occasion des jurys dont il est membre - concours d’admission au CNSM de Paris, concours pour l’obtention du CA, concours international Claude Kahn… - associées à ses qualités humaines font de lui un excellent pédagogue.
« Enseigner était une seconde nature, une évidence, une passion. Il nous accompagnait, nous guidait, nous emmenait. Pour lui, enseigner, c’est voir son élève le plus souvent possible, pour travailler, étape par étape, tous les aspects de l’œuvre. Il nous donnait tout, nous léguait tout » écrit son ancien élève Grégoire Baumberger.
« Un jour, chez lui, il me proposa de me faire travailler la Sonate en do majeur K. 330 de Mozart. Ce jour-là, je l’ai apprise en entier avec lui, en une longue journée de huit heures ! » rapporte cet autre pianiste, João Costa Ferreira.
Il dirige des cours d’interprétation à Porto en 1981 à la suite de Vlado Perlemuter et fait travailler des pianistes professionnels et amateurs lors des Rencontres musicales des Monts-Dore pendant seize étés, de 2001 à 2016.
« Ce qui me frappe dans beaucoup de conservatoires, même à Paris, on apprend la technique au sens le plus limité : jouer vite, avec force, faire des tas d’acrobaties. Pour moi la technique c’est avoir une sonorité, c’est savoir chanter, c’est savoir respirer. » Propos de Jean Martin recueillis par J. Nouvier en janvier 1981
Avec ses partenaires et amis Flora Elphège et Claude Burgos, il organise, trois années de suite, des stages de musique de chambre à Antony.
Lorsque Jean Martin écoutait de nouveaux élèves ou des candidats lors de jurys, une question le préoccupait : choisissent-ils leurs doigtés ?
Il décide d'approfondir cet aspect sur lequel tout musicien doit réfléchir, chercher, décider. Il écrit alors un traité, publié fin 2001 :
« Jouez avec doigté… deux mains… dix doigts… mais tellement plus. »
Il invite chaque pianiste à trouver ses propres doigtés pour améliorer sa maîtrise technique et pouvoir transmettre l’essentiel : la musique,
le son.
Les enregistrements discographiques de Jean Martin sont nombreux : une vingtaine de CD allant de Mozart à Ballif en passant par des compositeurs qu’il tenait à faire connaitre comme Heller, Godard ou Reger.
Les nombreuses critiques de ses vinyles puis de ses CD rendent hommage à cet interprète exceptionnel de la musique de Schumann, mais ses choix pour les concerts ou les disques sont bien plus larges que la seule musique romantique. Très jeune déjà il admire la musique de Claude Ballif dont il devient immédiatement l’ami. Son tout premier enregistrement fut d’ailleurs Les Airs comprimés Op. 5, et Ballif lui dédie
sa 5e Sonate.
Jean accepte la proposition des éditions Lemoine d’enregistrer les douze CD accompagnant la remarquable et réputée méthode De Bach à nos jours, de Charles Hervé et Jacqueline Pouillard. Ce travail et ces enregistrements s'échelonnent de 1995 à 2009.
Jean décide de prendre la direction de certains théâtres. Il réalise alors son vœu de faire connaître de jeunes pianistes peu ou pas connus aux cotés de solistes ou de chambristes confirmés. C'est pendant une dizaine d'années qu'il dirige ainsi la programmation musicale du Théâtre d'animation de Paris-Vincennes, des théâtres Essaïon, Présent et Silvia Monfort.
Pour promouvoir ces concerts et soutenir l'ambition de faire découvrir ces jeunes talents, des amis musiciens ont l'idée de
créer l'association « Musique quand même » puis « Les amis de Heller » et « Le Messager »
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